Nouvelliste: Chronique n°2

« La destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire[1] » relèvent du Crime de guerre. Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO, renouvèle ses appels à l’aide après chaque atteinte aux biens et monuments antiques, au fil de l’extension de Daesh sur les territoires irakien et syrien.

Détruire des biens, élevés par une élite culturelle internationale au rang de patrimoine mondial, donne l’assurance d’une médiatisation, mondiale elle aussi. Mais au-delà de la visibilité que ces actes donnent à leurs auteurs, dynamiter temples, arcs de triomphe, bouddhas, brûler des livres ou décapiter son prochain communique quelque chose. Mais quoi ? Qu’y a-t-il à comprendre derrière ces gestes de provocation terrifiante ? Réduire en poussière des œuvres ou assassiner ceux qui les représentent signifie jeter à la face de l’autre le mépris de ses valeurs. Daesh affiche une forme de respectabilité agressive[2]: tu me dois le respect, la réciproque n’étant pas vraie.

Nier ce qui me précède, parce que moi je vois les choses différemment, existe aussi à toute petite échelle. Par exemple, faire tabula rasa est une pratique courante dans l’apprentissage musical : « Ton ancien professeur n’a pas su t’apprendre ce que moi je peux t’apporter. On reprend tout à zéro ». Respect ou respectabilité ?

Dès lors, en ces temps d’élections, je me questionne sur la capacité des futurs parlementaires à considérer ce que leurs prédécesseurs ont parfois âprement négocié, pour le bien commun. Sur le tout-économie en opposition au tout-social. Sur la fièvre qui pousse l’homo economicus à – délibérément ou involontairement – ignorer un passé aux valeurs moins individualistes. Au fond, celui-ci aussi fait preuve d’irrespect culturel en dynamitant les traces d’une époque où l’idéal d’un minimum de bien-être pour chacun pouvait encore être entendu.

C’est un droit de penser différemment de l’autre, mais c’est un devoir de ne pas ignorer ce qui a été réalisé avant soi. Et de faire avec, pas sans.

Carine Tripet

[1] Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, article 8, alinéa 2, paragraphe a, chiffre iv

[2] Julien Green, Le bel aujourd’hui : Journal 1955-1958. nouvelliste2

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